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Vu d'Allemagne

7 février 2013

Le travail c'est la santé, surtout à 70 ans

Des vieux jours de moins en moins détendus.

De plus en plus de retraités travaillent

Le nombre d'actifs de plus de 65 ans s'élève à 760 000 personnes. Pour un tiers, la retraite ne suffit plus pour vivre.

Article de Eva Völpel, paru dans taz.de, le 06/02/2013, disponible ici : http://www.taz.de/!s=ruhest%C3%A4ndler/

De plus en plus de personnes âgées travaillent à la retraite. Comme le montre une nouvelle étude de l'institut allemand pour la recherche économique (DIW), le nombre d'actifs en âge d'être à la retraite a presque doublé entre 2001 et 2011, s'élevant à près de 760 000 personnes. Ainsi, un vingtième est à 65 ans encore actif sur le marché du travail.

Les raisons, pour lesquelles les personnes âgées ne quittent pas leur job, sont diverses. Ainsi, des enquêtes auprès des ménages montrent, que des groupes professionnels hautement qualifié, et en règle générale bien payés, tels que les consultants auprès des entrepreneurs, courtiers, ou médecins restent actifs en tant que travailleur indépendant. D'un autre côté, un nombre important de salariés arrondissent ainsi leurs fins de mois en tant qu'employés de bureau, personnel de nettoyage, magasinier ou concierge. 2/3 des retraités travaillent à temps partiel, beaucoup avec des mini-jobs à 400€.

Karl Brenke de DIW estime, que 1/3, soit environ 253 000 personnes, gardent leur gagne-pain, car sinon leur retraite ne leur suffirait pas. Cette part ne se serait pas modifiée depuis 2001. Avant tout, les travailleurs indépendants se sont vus conseiller de travailler plus longtemps. Sans salaire d'appoint leur revenu individuel médian serait d'environ 871€ par mois.

Il pourrait déjà y avoir environ 1,2 millions de retraités actifs.

DIW met en lumière que le nombre de personnes âgées pourrait être clairement plus élevés. Ainsi, l'agence fédérale pour l'emploi (BA) faisait état d'un chiffre de 762 000 uniquement pour les personnes de plus de 65 ans ayant des mini-jobs à la fin de 2011. A cela s'ajoutaient environ 155 000 actifs par obligation envers la Sécu et selon les statistiques de l'administration fédérale, 300 000 travailleurs indépendants.

Dans l'ensemble, il y aurait plus de 1,2 millions d'actifs de plus de 65 ans. Alors que l'agence fédérale pour l'emploi enregistre chaque personne ayant un mini-job, l'étude de DIW repose sur un micro recensement effectué par sondage des ménages représentatifs et par des panels socio-économiques.

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5 février 2013

Les attaques européennes contre les travailleurs promues par Merkel

Des syndicats indignés

Bruxelles veut faciliter les licenciements.

L’UE projette, de régir les salaires et le droit du travail. Les représentants des travailleurs mettent en garde contre une attaque sur l’autonomie des salaires.

Article de Eric Bonse, paru sur taz.de ; le 01/02/2013, disponible ici : http://taz.de/Gewerkschaften-empoert/!110274/

Après la politique des finances, l’UE veut coordonner également les politiques économiques et sociales. Les salaires devraient être plus fortement alignés sur le développement de la productivité, les licenciements devraient être plus faciles, réclame la Commission européenne. La chancelière Angela Merkel veut l’imposer, elle prépare une initiative de réforme et de concurrence pour le sommet de début d’année au mois de mars, sur le modèle de l’agenda 2010.

D’après Berlin, les partenaires sociaux seront évidemment associés par la suite. Cependant, les syndicats sont tenus à l’écart de Bruxelles. Inhabituellement, c’est la confédération européenne InustriAll qui proteste vigoureusement. La proposition de la Commission, de discuter des politiques salariales et du droit du travail à un niveau européen, serait un attentat contre l’autonomie salariale, et pourrait mener à « une baisse des salaires », selon le tract de protestation de la confédération, qui réunit 197 syndicats européens de l’industrie (dont IG Metall et IG BCE).

Ils ne seraient pas prêts à accepter des exigences telles que « la modernisation du système par la fixation des salaires », « le renforcement de la flexibilité, comme la facilitation des conditions pour les employeurs, et le contrôle des conventions sectorielles de salaires ». Il ne serait pas non plus question de négocier une organisation des salaires au niveau européen.

Ce n’est pas seulement un revers cuisant pour la Commission européenne, qui régit déjà de l’intérieur les politiques salariales et sociales des pays en crise du sud de l’Europe, et qui aurait aimé avoir plus d’emprise. C’est également un coup de semonce pour Merkel. En effet, la chancelière arbore pour devise « Flexibilité » et « Modernisation ».

La chancelière en faveur d’un pacte de concurrence

 Lors d’une conférence très suivie devant l’élite de l’économie mondiale, il y a une semaine à Davos, elle n’a laissé planer aucun doute. De la même manière que le pacte fiscal contesté, l’UE devrait mettre en place un « pacte de compétitivité », selon la chef du CDU. On y trouverait « des éléments comme les coûts supplémentaires de salaire, les coûts unitaires de salaire, les dépenses en recherche, les infrastructures, et l’efficience de l’administration, de même que des éléments qui relèvent de la souveraineté nationale ».

Cependant, il n’y a pas que les syndicats qui s’y opposent. La Suède et la Belgique ont des doutes concernant le nouveau pacte de compétitivité de Merkel. « Nous avons là une différence claire avec l’Allemagne », déclare le premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt au Handelsblatt. « Nous refusons catégoriquement l’idée de donner de nouveaux pouvoirs à Bruxelles, et qu’ensuite l’UE nous dise, ce que nous devons faire ou faire faire ».

Le chef du gouvernement belge Elio Di Rupo dit la même chose. Le socialiste remet en question le cap de l’austérité de Merkel. Celui-ci est devenu obligatoire juridiquement, avec l’entrée en vigueur officielle au 1er janvier du pacte fiscal.

30 janvier 2013

"Migrants de première et seconde classe", on ne mélange pas les torchons et les serviettes

« Welcome Center » pour migrants aisés

Hambourg reçoit les migrants bien payés dans des « Welcome Center ». Les pauvres et les réfugiés doivent toujours aller vers les autorités centrales des étrangers.

Article de Kristiana Ludwig, paru dans le taz.de, le 25/01/2013, disponible ici : http://www.taz.de/Welcome-Center-fuer-reiche-Einwanderer/!109706/


La carte mondiale dans le dos, une jeune femme est assise dans un large sofa et lit à voix basse un livre pour enfant. Son fils, peut être 2 ans, a posé sa tête sur le haut de sa jambe et écoute. La responsable administrative, Birte Steller, a consciencieusement choisi ces livres de héros. « Le personnel administratif doit être ici à l'arrière plan », chuchote Birte Steller.

Steller, 42 ans et juriste, dirige le « Welcome Center » de Hambourg, que la ville-Land a ouvert il y a 5 ans. La pièce, avec ses colonnes blanches et ses portes en verre a été aménagé à cet endroit, entre le conseil municipal et la chambre de commerce. Aujourd'hui, le service de Hambourg fait figure de fleuron de la culture allemande d'accueil, pas seulement auprès de la coalition gouvernementale CDU-FPD.

Le « Welcome Center » n'est en réalité qu'une administration d'accueil pour les étrangers. Cependant, contrairement aux deux autres grands bureaux d'accueil dans la ville, ici, personne ne fait la queue, tous les matins à 5h. Ici, aucun visiteur ne tire de numéro. Les invités prennent place dans des fauteuils bleus, jusqu'à ce que la personne chargée du dossier, comme Christian Steimker, ne vienne les chercher.

Steimker est un homme grand dans un pull pelucheux. Il demande « What can I do for you ? ». Outre le permis de séjour, il propose des logements, des écoles, des cours de sport. Sa clientèle vient du monde entier, de toutes les catégories socio-professionnelles. Elle n'a qu'une chose en commun : un revenu annuel supérieur à 30 000€.

Un projet modèle pour le reste du pays

Quand la responsable des questions de migration au gouvernement, Maria Böhmer (CDU), a visité Hambourg l'été dernier, elle a fait l'éloge du projet. Que les migrants hautement qualifiés n'aient plus à se tourner vers les services traditionnels d'accueil des étrangers à Hambourg, montre selon elle, que l'Allemagne « accueille tous ceux, qui veulent s'investir ici ».

Les services hambourgeois passent maintenant pour un projet modèle au niveau fédéral. Ces dernières années, des villes comme Greifswald, Cologne ou Dresde ont aussi fortement orienté leurs services vers les migrants hautement qualifiés. Essen a ouvert au printemps son propre « centre de bienvenue ». Birte Steller y était en juin, pour expliquer son concept.

Les collaborateurs anglophones à Essen doivent certes également expliquer aux personnes engagées ou non dans l'intégration, vers quel service elles doivent se tourner, dit le porte-parole Stefan Schulze. Mais ici, comme à Hambourg, ce sont les services centraux des étrangers qui s'occupent des réfugiés et des demandeurs d'asile.

Ces services seraient avant tout des « services d'état civil, dont la compréhension de leurs missions les a fait adhérer à l'idée d'un avantage présenté par la séparation des différentes immigrations» critique le conseil d'experts de la fondation allemande pour l'intégration et la migration. En 2009, il a analysé la gestion des migrants qualifiés à Hambourg, Berlin et Francfort. Partout, les villes utilisent le système de « séparation entre les différents groupes de migrants », selon la commission. Les migrants, qui ne ne peuvent pas bénéficier d'un Welcome Center, se plaignent toujours de l'emploi exclusif de l'allemand dans les services d'accueil des étrangers.

« Des migrants utiles et inutiles »
L'idée du centre de bienvenue allemand a vu le jour au sein du conseil pour l'intégration du gouvernement fédéral. Heinrich Alt, du comité directeur de l'agence fédérale pour le travail, était responsable de ce projet. Aujourd'hui, il observe ces lieux d'accueil des étrangers qualifiés avec préoccupation : il y voit « le danger d'une culture d'accueil à deux vitesses ».

Ces réflexions divisent l'opposition. La responsable de politique intérieur de la gauche, Ulla Jelpke, désapprouve la « division entre les migrants utiles et inutiles », « les réfugiés aussi apportent des qualifications ». Le ministre fédéral Hans-Peter Friedrich (CSU) réplique, que l'accueil des deux groupes se fait « d'après des procédures complètement différentes, qui ne sont pas comparables ».

La ville de Wuppertal voit ça différemment. Ici, le service des étrangers s'est depuis longtemps transformé d'un service d'état civil, en un service d'intégration, qui travaille en commun avec les associations de migrants et le service pour l'emploi (Jobcenter). Il propose des cours de langue et des activités de loisirs, ainsi que des logements pour les réfugiés. Son responsable Hans-Jürgen Lemmer appelle cela « une prise en charge collective ». Il trouve tout de même que les centres d'accueil réservés aux personnes qualifiés sont une bonne chose. « Chaque étape permettant l'ouverture d'un service pour les étrangers, va dans le bon sens ».

25 janvier 2013

Deutsch Telekom supprime 1 200 emplois

Deutsch Telekom va supprimer plus de 1200 emplois. Le groupe va ainsi économiser 100 millions d'euros, pour renforcer la branche opérationnelle.

Article paru dans taz.de, le 17/01/2013, disponible ici : http://www.taz.de/Telekom-streicht-1200-Stellen-/!109193/

Deutsch Telekom veut supprimer environ 1 200 places dans sa branche allemande. Le porte-parole de Telekom a déclaré, jeudi, que la réduction de personnel devrait socialement bien se passer avec les conventions de pré-retraites et les indemnités de licenciement. Un changement dans d'autres branches du groupe sont possibles.

Il confirme ainsi un reportage du Handelsblatt. Sont visés les emplois dans les fonctions support, comme le marketing, le contrôle, et l'administration qui sont visés. Le représentant souligne que la suppression de postes n'est pas inhabituelle. Entre 2007 et 2011 Telekom a réduit le nombre de ses salariés dans les magasins allemands de 91 000 à 75 000.

Selon le Handelsblatt, le groupe espère, par ces mesures, une économie de 100 millions d'euros par an. L'argent devrait être utilisé, pour renforcer le domaine opérationnel. Telekom voudrait utiliser plus de personnes qualifiées pour la consolidation à grande échelle de l'internet mobile, et la modernisation du réseau de télécommunication selon les standards d'internet.

Déjà dans les années précédentes, Telekom avait annoncé, vouloir supprimer 1 300 places à la centrale du groupe d'ici à 2015. Cela représente environ 40 % des emplois. Selon le groupe, même cette suppression d'emplois devrait bien se passer socialement. Aujourd'hui environ 236 000 personnes travaillent pour le groupe dans le monde, un quart en Allemagne.

24 janvier 2013

"Vivre avec 848€ par mois." 21,2% de pauvres à Berlin

Niveau record de la menace de pauvreté

L'association pour le bien être met en garde sur l'augmentation du risque de pauvreté. Les niveaux entre l'est et l'ouest s'égalisent.

Article de Eva Vöpel, paru dans le taz.de le 20/12/12, disponible ici http://www.taz.de/!107798/

Le projet de rapport sur la pauvreté et la richesse du gouvernement fédéral récolte de nouvelles critiques. Cette fois, parce qu'il sous-estime le danger d'une pauvreté grandissante selon l'union paritaire d'aide sociale.

A Berlin, l'union d'aide sociale présentait jeudi son rapport sur le développement régional de la pauvreté. Selon Ulrich Schneider, chef de la maison mère de l'union, il n'est pas possible de parler d'un taux relativement constant de risque de pauvreté, comme le fait rapport gouvernemental. La situation serait dramatique, le taux de risque de pauvreté aurait augmenté depuis 2006, et aurait dépassé le chiffre clé de 15 %. Elle se situerait à 15,1 %, un niveau record depuis la réunification. 12,4 millions de personnes sont concernées, environ un demi million de plus qu'au début de l'année, explique Schneider.

L'évaluation s'appuie sur un micro recensement, un sondage annuel d'environ 830 000 personnes. La menace de pauvreté, ou le taux de risque de la pauvreté comprend le nombre de personnes gagnant moins de 60 % du revenu médian national. Pour 2011, cela représente 848€ mensuels nets pour une personne seule et 1781€ pour une famille de 4 personnes.

Les chiffres montrent comme tendance, que l'Est se rapproche par ses propres moyens de l'Ouest, et l'Ouest chancelle malgré l'Est. Ainsi, pour la première fois depuis la réunification, Brême se retrouve dans le palmarès négatif. Cela contribue également, à ce que la différence de taux entre l'Est et l'Ouest ne s'élève qu'à 5,5 % en 2011, alors qu'elle était de 7,2 % en 2005.

Une autre résultat de l'étude : l'Allemagne est divisée en 3. Outre 5 Land brisés, avec un taux de risque de pauvreté beaucoup plus élevé que la moyenne, il y a un peloton de 9 Land, qui sont proches de la moyenne de 15,1 %, et les éternels élèves modèles : la Bavière et le Bade-Wurttemberg. Thüringen est également en tête. Le Land est le seul à voir une diminution continue de son taux de risque de pauvreté : de 19,9 % en 2005 à 16,7 % en 2011.


Raz de marée de pauvreté

Schneider regarde en direction de la Ruhr et de Berlin. « Les tendances négatives se sont aggravées de manière dramatique ici »,dit-il à propos de ces régions à forte concentration démographique, avec près de 8,5 millions de personnes. Ainsi, en 2011, le taux grimpe à 21,2 % à Berlin, et à 18,9 % dans la Ruhr. On vit ici un raz de marée de pauvreté, selon Schneider, qui serait provoqué politiquement par la suppression publiquement encouragée d'emplois et par une répartition de la fiscalité du bas vers le haut.

Pour Schneider, c'est l'occasion d'exiger une amélioration structurelle ainsi qu'un programme d'action immédiat, par exemple l'élargissement du tarif Hatz-4 et l'établissement d'un salaire minimum commun. Car, les succès statistiques de la politique du marché du travail ne seraient possbiles que grâce aux bas salaires. En effet, le taux de chômage et le risque de pauvreté se développent séparément. Alors que le premier baisse continuellement depuis 2005 et se situe à 7,1 % en 2011, le risque de pauvreté augmente régulièrement depuis 2006.

Son programme d'action immédiat coûte 10 milliards d'euros. Comme le dit Schneider, " un peu d'argent  serait nécessaire pour la redistribution ". Le parti de gauche l'approuve. Le chef du SPD, Sigmar Gabriel critique la « rhétorique du 'tout-va-bien' de la coalition ». La ministre fédérale du travail Ursula von der Leyer (CDU) riposte : « On ne doit ni dramatiser le problème, ni le minimiser »

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16 janvier 2013

Le miracle économique allemand ?

Crise dans la Ruhr


Opel ne veut plus fabriquer de voitures, ThyssenKrupp est en difficulté. Qu'adviendra-t-il de Bochum, lorsque la dernière aciérie fermera ?

Article d'Andreas Wyputta, paru le 27/12/12 dans le taz.de, disponible ici : http://www.taz.de/!108058/

Un sourire déconcertant. Qui aborde un habitant de Bochum à propos de la menace de fermeture de l'usine Opel, récolte souvent ce sourire. Quelque chose de suffisant, de dédaigneux. « Il est clair depuis des années, qu'Opel fermera » déclare un trentenaire, dont des amis sont salariés d'Opel.

« Les gens d'Opel reçoivent tous des dédommagements importants » précise une pizzaiolo de la rue Hattinger. Même dans les cafés, les « super salaires » de chez Opel sont un sujet de conversation. À Bochum, ville qui connaît un changement structurel depuis 50 ans et où les dernières mines ont disparu depuis 1973, la misère sociale croît.

Ulrike Kleinebrahm connaît ces rictus, ces discours tout faits. « Une société, qui fonctionne ainsi, est malade ». Kleinebrahm est la responsable de la section de Bochum du syndicat IG Metall, son bureau est situé dans la « maison centenaire ». Le syndicat l'a acheté en 2004 dans le quartier de Stahlhausen. La forme de poing de la maison est censé rappeler le symbole d'IG Metall, la main protectrice. Sur le toit, le drapeau rouge du syndicat flotte avec entêtement.

Un parc à la place d'une aciérie

Dans la maison centenaire, Ulrike Kleinebrahm est entourée des symboles du dur travail et de son déclin : quelques mètres plus loin dans l'allée, la compagnie de Bochum fondée en 1854 produit des essieux pour les trains. L'aciérie correspondante a disparu depuis longtemps, une grande partie du terrain est maintenant un jardin public. La halle centenaire, dans laquelle les hauts-fourneaux jadis tournaient à plein, est devenue un des lieux centraux des manifestations du spectacle culturel « Ruhr 2010 ».

Concernant le mythe des salaires « démentiels » versés aux travailleurs de chez Opel, la collaboratrice de IG Metall peut rapidement y mettre bon ordre : la grille de salaire d'un salarié d'Opel serait correcte, mais pas sur-dimensionnée. Les OS gagnent environ 2000€ brut mensuels chez le constructeur automobile, les ouvriers qualifiés du « groupe 10 » peuvent toucher jusqu'à 2748,50€. A cela s'ajoute une prime d'environ 10 %.

Ulrike Kleinebrahm envisage l'année 2016 avec anxiété. En effet, à cette date, non seulement la production de véhicules chez Opel, qui compte encore 4 000 emplois, devra être sabordée, mais selon l'estimation du comité d'entreprise, ce sont jusqu'à 40 000 emplois liés à cette usine dans toute la Rhénanie du Nord-Westphalie, qui seront concernés. La chambre du commerce et de l'industrie de la région Ruhr parle de 20 000.

La vente de la « phase à chaud »

La dernière aciérie restante de Bochum est aussi menacée : ThyssenKrupp a conclu la vente de la « phase à chaud », c'est à dire la production à proprement parler de l'acier, au producteur finlandais d'acier inoxydable Outokumpu. 2015 sera l'année test pour la rentabilité. Si Outokumpu devait ensuite fermer l'usine, la phase de transformation, que ThyssenKrupp veut mener en propre, ne pourrait pas être assurée. 3 000 emplois sont en jeu.

Au siège d'IG Metall, Ulrike Kleinebrahm ne veut pas penser à l'arrêt complet de l'aciérie. « La crise automobile est déjà assez dure comme ça ». Au lieu de cela, elle parle de « la cogestion élargie dans l'acier », et du fait, que « sans l'approbation des représentants patronaux rien ne fonctionne ». La syndicaliste expérimentée sait, ce que signifie une fermeture d'usine pour les salariés. Lorsque le fabriquant de téléphonie Nokia a quitté précipitamment Bochum en 2008, Kleinebrahm a négocié. « Les ingénieurs avaient de bonnes perspectives », se rappelle-t-elle.

Le pire fut pour les nombreux salariés sans qualification de la production et du conditionnement : environ 500 d'entre eux sont encore et toujours au chômage. Les autres n'ont qu'un emploi précaire : des CDD, de l'intérim, des « boulots à 400€ ».

Le pire scénario ?

Luidger Wolterhoff ne veut pas imaginer le pire scénario. En costume d'affaire gris, le directeur de l'agence pour l'emploi de Bochum reçoit dans un immeuble de bureaux en briques rouges. Jusqu'en 1958, les mines Dannenbaum extrayaient ici le charbon, aujourd'hui c'est la rue de l'université qui passe devant la porte. Avec 35 000 étudiants et 6 000 emplois, l'université est le plus gros employeur de la ville.

Wolterhoff est ostensiblement positif dans sa formulation. Concernant la situation du groupe ThyssenKrupp, qui a déjà perdu 5 milliards d'euros dans de mauvais investissements dans des aciéries au Brésil et aux Etats-Unis, et qui a viré la moitié du comité de direction, il ne veut pas « spéculer ». Le nombre d'emplois perdus par Opel resterait, quant à lui, peu clair. Finalement le représentant du comité de direction par intérim Thomas Sedran promet, que le constructeur automobile resterait dans la Ruhr avec un centre de logistique et une unité de composants.

Wolterhoff préfère deviser sur le taux relativement bas de demandeurs d'emploi à Bochum, environ 9,5 %. Dans les villes voisines de Dortmund et Essen, il monte au dessus de 12 %. Le chef du service de l'emploi reconnaît tout de même que la fermeture simultanée de l'usine automobile et de l'aciérie serait un coup dur pour la ville et toute la région.

Sur la boîte aux lettres, une bouteille de Schnaps vide

La maire de Bochum Ottilie Scholz ne veut pas risquer de provoquer une catastrophe en l'évoquant. Elle connaît les rumeurs, selon lesquelles le patron de Thyssen-Krupp ne serait plus intéressé par la production d'acier dans l'ensemble. Devant la mairie, se trouve la cloche de 15 tonnes, que la compagnie bochumoise a coulé en 1867 pour l'exposition universelle de Paris, sur la boîte aux lettres, c'est une bouteille de Schnaps vide.

La sociale-démocrate Scholz reçoit dans son bureau. Des tapis étouffent le bruit, des boiseries sombres recouvrent les murs. Scholz répond que, non, son administration n'aurait « aucun de Plan B » sous le coude, pour amortir la fermeture de l'usine Opel. Elle a appris la fin de la production automobile par la presse, elle ne connaît pas personnellement le directeur d'Opel en fonction M Sedran, de même que son prédécesseur Karl-Friedrich Stracke. Enfin, la maire explique que les décisions sont prises à Detroit par la centrale de General Motors, maison mère d'Opel.

Ottilie Scholz préfère parler des 7 universités, qui ont actuellement leur siège à Bochum. Elle place notamment son espoir dans l'école pour la santé fondée en 2009. L'avenir de la ville se trouverait dans des pôles de compétences spécialisés dans le secteur de la santé. Déjà plus de 100 entreprises travaillent aujourd'hui dans ce domaine. Ainsi, le nouveau « campus de la santé » est en train de voir le jour près de l'université de la Ruhr.

Le campus pourrait être « une partie du futur », selon Jörg Bogumil, spécialiste en science de l'administration, qui a étudié à Bochum et qui y enseigne aujourd'hui. Mais l'administration de Scholz aurait du mal à le rendre attractif. Cela fait trop longtemps qu'on mise sur les grandes structures industrielles dans la Ruhr, trop longtemps qu'on ne s'est pas suffisamment occupé des structures de taille moyenne.

Depuis déjà longtemps, la Ruhr n'est plus le cœur industriel de la Rhénanie du Nord Westphalie. Dans cette région, seulement une personne sur cinq travaille dans l'industrie. Dans le sud de la Westphalie, marquée par un tissu de PME, le taux est de 37 %. Ce qui reste ici, ce sont des jobs dans le secteur des services. Mais Bogumil sait bien, qu'ils sont souvent « précaires et mal payés ».

Des valises pleines d'argent
Des milliers entrent encore chaque jour dans l'usine Opel de Bochum. Le représentant du comité d'entreprise Rainer Einenkel est lui même depuis 40 ans chez Opel. Il peut voir directement la porte 1 du site principal depuis son bureau. Il sait, combien GM aimerait se débarrasser d'eux. Le comité central d'entreprise négocie avec la direction d'Opel pour le maintien de toutes les usines. « Ils veulent nous sortir des négociations en nous achetant. Ils ont des valises pleines d'argent dans les mains ».

Le chef du comité d'entreprise parle peu de l'influence du politique. Il mise sur la solidarité des habitants de Bochum, et de toute la région. En début d'année, une fête organisée par le comité pour célébrer les 50 ans de l'usine, devrait leur donner du courage. En effet, la direction ne craint rien plus que le spectacle de milliers de personnes, qui se mobilisent pour le maintien des emplois chez Opel. La précédent fête d'anniversaire, prévue pour décembre, a été annulée par la direction, officiellement pour les raisons de sécurité.

Opel veut virer au plus vite l'ancien communiste Einenkel. Déjà, la précédent chef Stracke lui aurait offert une généreuse convention de préretraite, rapporte le comité d'entreprise. Il y a autre chose qu'Opel dans la vie, aurait déclaré Stracke. L'homme de 58 ans choisit d'ignorer la fermeture prévue pour 2016 : « Je veux rester encore 7 ans chez Opel. Jusqu'à la retraite ».

11 janvier 2013

Michigan : Attaque éclair contre les syndicats

Les républicains démontent le droit du travail.

Blitzkrieg au Michigan

Avec la loi pour « le droit au travail », les républicains veulent réduire le rôle des syndicats aux Etats-Unis. Derrière cela se cachent les lobbies de l'industrie, qui prônent le dumping salarial.

Article de Dorothea Hahn, paru dans le taz.de le 11/12/2012, disponible ici : http://www.taz.de/Republikaner-demontieren-Arbeiterrechte/!107225/

Une nouvelle confrontation a lieu dans le Michigan, lieu de naissance de l'industrie automobile américaine. Le parti républicain essaie, dans une attaque éclair, de vider de son sens le droit des syndicats dans l'état.

Moins d'une semaine après la présentation d'une loi, ironiquement intitulée « Droit au travail », devant le Parlement à Lansing, le gouverneur Rick Snyder pouvait, la promulguer. Les syndicats et le parti démocrate annoncent un mouvement de résistance.

A l'inverse des précédentes attaques contre les droits des syndicats au Wisconsin et dans l'Indiana, ils reçoivent pour cela le soutien de Barack Obama. « Le vrai sujet ici, c'est le droit, de travailler pour moins d'argent » a déclaré lundi le président lors d'une visite dans une usine de camions de Daimler aux environs de Detroit. Il a ajouté, de manière inhabituellement virulente « Nous ne devons pas nous lancer dans une course vers le bas ».

Le parti républicain à Lansing a commencé à discuter du projet de loi « Liberté de travailler » fin novembre. De nombreux lobbies de l'industrie, orientés à droite, dont le groupe « Américains pour la prospérité » co-financé par les milliards de pétro-dollars des frères Koch, essaient depuis longtemps déjà, d'obtenir des lois similaires dans tous les états fédérés des Etats-Unis.

Pourtant, au Michigan, le gouverneur Snyder, ancien spéculateur, qui est en poste depuis le début 2011, avait déclaré quelques mois auparavant, qu'il ne voulait pas porter atteinte aux droits syndicaux.

Une loi selon la procédure accélérée.

Jeudi dernier, la majorité républicaine a adopté la loi selon la procédure accélérée. Les critiques soupçonnent que l'attaque éclair des républicains soit une tentative, d'empêcher les mouvements de protestations d'avoir une occasion de se développer.

Les années précédentes, les républicains avaient provoqué des démonstrations massives avec des lois contre les droits des employés aussi bien au Wisconsin qu'en Ohio. Au Wisconsin, le mouvement social a finalement réussi à obtenir la fin de mandat prématurée de plusieurs politiciens républicains, mais pas celle du gouverneur Scott Walker.

Dans l'Ohio, l'opposition a finalement obtenu l'organisation d'un référendum sur la loi menaçant les syndicats.

Mettre à sec les syndicats

La loi du Michigan cible directement les finances des syndicats. Elles devraient être asséchées par la réduction des cotisations. Jusqu'à présent les cotisations syndicales étaient établies dans les conventions collectives négociées par les syndicats et la direction. Dorénavant, elles seront fondées sur le volontariat.

De plus, les syndicats devront prendre en considération la représentation des intérêts de tous les employés des entreprises, même ceux qui ne cotisent pas.

Cette pratique, qui est appelée « Droit au travail » aux Etats-Unis, est déjà dans la législation de 23 Etats sur 50, notamment les Etats du sud, et les Etats du Midwest. Le Michigan deviendrait le 24e Etat du « Droit au travail ».

Partout, où des lois « Droit au travail » ont été adoptées sous la pression des entrepreneurs et des conservateurs, les recettes et cotisations des syndicats ont rapidement diminué.

Des salaires en baisse

Peu de temps après, les salaires ont également diminué, de même que les cotisations patronales aux assurances santé et vieillesse, et la sécurité de l'emploi est menacée. Selon les recherches du « Centre pour le progrès américain », les travailleurs gagnent en moyenne 1500 dollars de moins par an dans les Etats du « Droit au travail ».

« C'est un jour triste pour l'Amérique » a déclaré Stephen Madarasz de l'important syndicat new-yorkais des fonctionnaires « Civil Service Employees Association ». Il est préoccupé par « le programme extrême de privation de droit des travailleurs dans ce pays ».

Chris Towsend de « United Electrical Workers » à Washington parle d'une « attaque illégitime, financée par les gros sous ». Et à Lansing, où une journée d'action contre la loi est prévue mardi, Sara Wallenfang de AFL-CIO explique : « C'est une tentative flagrante des plus riches du Michigan, pour nous affaiblir ».

Le taux des organisations syndicales du Michigan, avec les trois grands producteurs automobile américaines General Motors, Ford et Chrysler est, avec 17 % des employés, encore important en comparaison avec le reste des Etats-Unis. Cependant, depuis les années 60, le nombre d'adhérents a diminué de 40 %.

Des campagnes coûteuses

Les syndicats du Michigan ont déjà subi une défaite politique en novembre. Ils ont investi 23,4 millions de dollars dans une campagne, pour inscrire dans la constitution de l'Etat le droit à une représentation collective des intérêts. L'autre partie, soutenue par les mêmes groupes de patrons, que ceux qui veulent la « Liberté de travailler », a investi 35 millions dans sa propre contre campagne.

Les auteurs républicains de la loi au Michigan disent défendre la compétitivité. Après que l'Etat voisin d'Indiana a promulgué une loi de « Droit au travail » au début de l'année, de nouvelles entreprises se seraient installées, expliquent ils, parmi lesquelles Android Industries à Fort Wayne. .

La direction d'Android Industries a d'ailleurs officiellement justifié son choix de lieu d'installation par le nouveau statut de « Droit de travailler » en vigueur en Indiana.

10 janvier 2013

"Enfreindre le droit du travail, un moyen de diminuer les coûts", la réalité de l'emploi outre-Rhin

Un juriste spécialiste du droit du travail, à propos des contrats de travail.

« Tout le monde sait que c'est illégal »

Selon le juriste Peter Schüren, de plus en plus de contrats de travail seraient illégaux. Il préconise la mise en place d'amendes et la saisie des profits pour y mettre un terme. Interview : Eva Völpel.

Peter Schüren, 59 ans, est professeur de droit civil et de droit du travail à l'université de Münster. Il est également le directeur de l'institut pour le droit économique, social et le droit du travail.

 

Taz : M Schüren, selon vous, il y a de plus en plus de contrats de travaux illégaux. D'où vient ce constat ?

Peter Schüren : On me rapporte de plus en plus de cas. Par exemple, les heures supplémentaires sont bénévoles et ne sont pas payées. Ou alors il n'y a de salaire, que si un minimum de chiffre d'affaire hebdomadaire est atteint. J'ai aussi vu des jobs de femmes de ménage dans les hôtels payés 4 euros de l'heure, selon un pseudo accord.

 

Taz : Où cela se produit-il le plus couramment ?

PS : Le plus souvent on observe cela là où il n'y a par de tarif obligatoire ou de conseil d'entreprise, également dans les entreprises de service.

 

Taz : Les employés ne connaissent-ils pas leurs droits ?

PS : Si, je pense que tout le monde sait que c'est illégal. Mais les employeurs savent, que presque personne ne résiste. Si quelqu'un porte plainte, un arrangement est trouvé au tribunal, l'employé reçoit son argent et le travail est fait par d'autres.

 

Taz : A quelles conséquences s'attendent les employeurs ?

PS : Ils sont très rarement poursuivis pour détournement des cotisations sociales. Mais normalement il ne se passe rien. Enfreindre la loi est devenu un moyen de diminuer les coûts.

 

Taz : Vous revendiquez d'aller à l'encontre de ces pratiques avec détermination. Que proposez-vous ?

Selon mon expérience, la dissuasion fonctionne. Nous avons besoin d'une amende particulière contre l'utilisation de conditions de travail illégales dans le but de diminuer les coûts. Ainsi, nous pourrons coller une bonne amende à ceux qui arnaquent leurs travailleurs, et leur enlever tout le bénéfice illégal. Quelqu'un qui se traîne une amende de 250 000 euros et une perte de bénéfice de 5 millions d'euros, s'abstient vraisemblablement de passer des accords biaisés ou de faire faire des heures supplémentaires impayées.

 

Taz : En 2010, le tribunal fédéral du travail a statué que le syndicat de travail temporaire CGZP, qui avait en partie conclut les salaires horaires inférieurs à 5 euros, n'était pas capable de fixer des tarifs. De quoi en est-il aujourd'hui avec les syndicats, qui négocient dans le sens des entrepreneurs ?

PS : Il y a encore des tarifs à bas prix à cause de syndicats douteux. Par exemple, l'accord tarifaire entre le syndicat chrétien DHV et l'association des employeurs de services et logistique prévoit un salaire horaire de 6 euros environ. Ce sont les mêmes personnes qui ont signé l'accord sur les tarifs pour DHV, et qui ont décidé de la politique de dumping salarial pour le travail temporaire. Il est grand temps qu'un Land ou que le ministère fédéral du travail fasse contrôler la capacité de DHV à passer des accords tarifaires par un tribunal. Cette possibilité est toujours offerte, mais elle n'est que trop rarement utilisée...


Taz : En 2008, elle l'a été par la sénatrice du travail de Berlin Heidi Knake-Werner (tendance de gauche), qui a entamé la procédure contre le syndicat du travail temporaire CGZP

PS : Certes, mais c'est également la seule initiative de ce type depuis les années 50.

 

Taz : Le dumping salarial fonctionne également avec l'aide des contrats d'entreprise. Les syndicats et certaines juristes du droit du travail exigent, de les réguler plus strictement. Grâce à une liste de critères, les bons contrats d'entreprise pourront être séparés des mauvais. Est-ce un apport ?

PS : Je crains, que cela ne soit que de la poudre aux yeux législative. On ne parle pas ici d'ordonnancement légal, mais de conditions de travail. Nous avons besoin, par exemple, d'un salaire minimum régi par la loi pour tous ceux, qui travaillent en Allemagne. Nous devons empêcher, que les contrats d'entreprise d'apparence restent sans effets dans la pratique.


Taz : Qu'entendez-vous par des contrats d'entreprise d'apparence ?

PS : Souvent un entrepreneur A, qui conclut des contrats d'entreprise, a également une autorisation de l'agence fédérale pour le travail pour recourir au travail temporaire. On en a besoin pour employer des salariés. Mais l'entrepreneur A peut « louer » des salariés sous couvert d'un contrat d'entreprise, car il veut contourner les dispositions strictes encadrant le travail temporaire, et ils sont alors en réalité des salariés, et ça marche, l'autorisation de travail temporaire est alors son gilet de sauvetage. [...]



Article paru dans le taz.de, le 30/12/2012, disponible ici : http://www.taz.de/Arbeitsrechtler-ueber-Arbeitsvertraege/!108161/

6 janvier 2013

Roms, ici ou là-bas même combat

Expulsion de Roms d’Allemagne

Plus que de simples migrants hivernaux

Selon un rapport de l’UE, les Roms des Balkans sont systématiquement discriminés. Cependant, de nombreux Roms sont encore expulsés selon une procédure expéditive.

Article de Marlene Halser.

Munich, taz.de. 11/12/12

L’histoire que Selma Demirova raconte lui est difficile à exprimer. Cette femme de Macédoine, qui refuse de voir son vrai nom paraître dans les journaux de peur de représailles dans son pays d’origine, marque de nombreux temps d’arrêt dans son récit. Selma Demirova, ainsi qu’elle souhaite être appelée, appartient, comme son mari et son fils à la minorité Rom. Ce groupe ethnique est l’objet de discriminations systématiques en Macédoine, selon un rapport de la commission européenne contre le racisme et l’intolérance. L’histoire de Selma Demirova correspond à cette description.

 « Mon mari n’était pas à la maison lorsque des hommes sont venus » raconte la femme aux longs cheveux noirs. Chauffeur de taxi, il était sur les routes. « Les hommes voulaient nous extorquer de l’argent contre une protection ». Comme Demirova et son fils à l’époque âgé de 16 ans refusèrent de payer, les hommes, qui appartiendraient à une société de sécurité, auraient frappé le garçon. Comme la mère s’interposa, elle aurait été violée sous les yeux de son fils. Enfin, rapporte Demirova, la police et les médecins lui auraient refusé toute aide, par peur des agresseurs et parce que la famille est Rom.

« Les médecins ont refusé de m’examiner » dit-elle. La police, au lieu d’enregistrer la plainte, a arrêté le fils. Comme il risquait 2 ans de détention, la famille a fui en juin de cette année vers l’Allemagne. Cette histoire, Selma Demirova et son fils l’ont également exposé lors de l’audience auprès du service fédéral pour la migration et les réfugiés (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge) [équivalent de l’Ofpra].

 

Demandeurs d’asile

Lors des rencontres des ministres de l’intérieur à Warnemünde, dans les dernières semaines, le ministre fédéral Hans-Peter Friedrich (CSU) a échoué à faire déclarer la Serbie et la Macédoine comme pays d’origine « sûrs ». C’est son troisième échec concernant cette région. Auparavant il s’était heurté à un mur à Bruxelles, concernant les mesures de limitation de la liberté de visa pour ces pays. Son idée d’inscrire des tracasseries spécifiques contre les Roms des Balkans dans la nouvelle loi sur les demandeurs d’asile, est peu appréciée de sa collègue de cabinet Ursula von der Leyen.

Mardi environ 180 réfugiés déboutés de différents Länder seront renvoyés en Serbie ou en Macédoine depuis Karlsruhe. 26 d’entre eux viennent de Bade-Würtemberg, Land dont le ministre de l’intérieur Reinhold Gall (SPD) examine s’il peut reporter l’expulsion à la fin de l’hiver pour des raisons humanitaires.

Selon l’avocat Hubert Heinold, qui représente la famille, des documents officiels auraient corroborés leur histoire. Pourtant la demande d’asile a été refusée comme « manifestement non fondée », et cela en quelques jours, alors que d’autres demandeurs d’asile attendent souvent plusieurs mois un rendez-vous et une décision sur leur requête. La famille a fait recours contre la décision. Maintenant elle attend un jugement du tribunal.

Dans les faits, le BAMF traite actuellement en priorité les demandes d’asile de personnes venant de Serbie ou de Macédoine. L’administration justifie cette hâte par l’arrivée très importante et inhabituelle de demandes d’asile depuis ces pays depuis Août dernier.  Selon une porte-parole, « Avec 2 673 demandes la Serbie occupe la première place des pays d’origine, et la Macédoine la seconde avec 1 351 demandes ».

 

Près de 100% de rejet

Alxander Thal du bureau bavarois des migrants soupçonne que derrière ces procédures accélérées, qui conduisent à un taux de près de 100% de rejet des demandes d’asile, se cache une campagne politique contre les Roms des Balkans. Le ministère de l’intérieur (fédéral) réfute ce soupçon. Mais Thal maintient : « La raison de cette campagne c’est l’encombrement du à la règle du premier pays ». « Au lieu de s’occuper du manque de place d’hébergement, le ministre de l’intérieur (CSU) reproche aux Roms, de faire des demandes d’asile abusives et de venir en Allemagne uniquement pour prétendre au bénéfice de la protection sociale ».

L’avocat Heinold ne veut pas aller aussi loin. Il semble possible, que parmi les Roms arrivés en Allemagne en Octobre et Novembre, certains soient des migrants hivernaux, selon lui. « Mais cela ne change pas le fait, que les autorités doivent examiner au cas par cas, avec minutie, les demandes. ». Et cela ne s’est pas produit pour le cas de la famille de Selma Demirova. L’avocat affirme que le viol, qui dans le pays d’origine n’a pas été puni, permet d’exiger une mesure de protection, selon les conventions de Genève sur les migrants.

Article original du taz du 11/12/12, sous le titre "Mehr als nur Winterflüchtlinge", http://www.taz.de/Abschiebung-von-Roma-aus-Deutschland/!107181/

 

6 janvier 2013

Capitalisme et guerres mondiales

La « destruction créative » comme principe fondateur du capitalisme

Pas de guerre mondiale, hélas.

Commentaire de Marco d’Eramo

 

Foutue bombe atomique ! Sans cette modification de l’histoire, la récession mondiale serait depuis longtemps derrière nous. En effet, par le passé, une belle guerre mondiale offrait toujours une porte de sortie à une crise mondiale de l’économie – Cela fait l’unanimité pour la Grande dépression, qui n’a pu être surmontée qu’avec la deuxième guerre mondiale.

 Lorsque l’on parle de guerre, nous pensons bien sûr immédiatement aux victimes. Cependant, dans une perspective économique, les millions de morts sont négligeables. Ce qui compte, c’est la destruction d’énormes volumes de bâtiments, machines, produits, c’est à dire de capital. Il en découle la nécessité d’une nouvelle accumulation.

 Louée soit la reconstruction ! Cela va si loin, que les pays les plus touchés par la guerre sont ceux qui peuvent fêter les miracles économiques les plus spectaculaires de l’après guerre. Ils dépassent les pays épargnés par la guerre grâce à leurs nouvelles installations de production. C’est ce que voulait dire l’économiste Joseph Schumpeter, lorsqu’il parlait de la « destruction créative » comme principe fondateur du capitalisme.

 Toutes les guerres ne se prêtent pas à cette analyse : la dernière, en Irak, a coûté des milliards de dollars aux Etats-Unis, mais l’économie américaine n’a bénéficié qu’aucun impact positif. Elle n’a pas conduit à une augmentation de la production, il n’y a pas eu de mobilisation de la population, elle n’a pas le duo rêvé que chaque économie de guerre fait surgir : la liaison de dépenses illimitées, pour les armes, et le matériel de guerre, d’une part, avec le rationnement de la consommation privée d’autre part.

 C’est en réalité la guerre, qui permet au gouvernement d’envoyer balader la dictature du marché. Personne ne critique un gouvernement, qui se fout de l’austérité, quand il le fait pour défendre la mère patrie.

 Mais toutes les guerres ne se valent pas : il faut qu’il y ait un carnage mondial. Et cette idée a vu le jour avec le capitalisme. La première guerre c’était la guerre de 7 ans (1756-1763), qui a décidé du sort d’un continent entier ; Napoléon a également mené des guerres mondiales ; et les deux grands conflits du siècle dernier étaient mondiaux.

 De telles guerres totales entre grandes puissances sont devenues impossibles avec la bombe atomique. Le capitalisme est désormais captif. Et cette captivité devient plus atroce, à mesure que la dictature du marché l’est, et que la croyance en la puissance de la politique d’austérité devient inébranlable.

Durant la guerre froide, le « Socialisme réel » était un concept très pertinent, pour décrire la dictature matérielle et intellectuelle dans les pays du pacte de Varsovie. Au lieu de ce qu’évoquait par le passé le concept de « Socialisme », (l’aurore du paradis), on l’associait désormais à l’économie de pénurie, à la censure et à la surveillance étatique. Le « socialisme réel » n’offrait aucune échappatoire, aucune possibilité de fuite. On ne pouvait ni le changer, ni s’en détacher. Lorsqu’un peuple voyait les choses différemment, les tanks des pays frères le ramenaient immédiatement dans le droit chemin.

 

Le capitalisme réel

Aujourd’hui, alors que le socialisme réel a été balayé, et que chaque système utopique persistant est délégitimé, l’ironie de l’histoire veut, que nous nous retrouvions dans le « capitalisme réel ». Nous aussi nous sommes pris au piège, nous ne pouvons pas échapper aux taux d’intérêts, il n’existe pas d’exil assez lointain, dans lequel nos croyances ne nous suivraient pas, pour nous présenter l’addition.

 Une vie dans le besoin : les personnes âgées grecques doivent faire sans pension de retraite, les jeunes espagnols sans travail. Nous aussi nous sommes remis dans le droit chemin par les « banques sœurs », lorsque nous nous rebellons. Le fait qu’elles n’aient pas besoin de tanks, mais uniquement de contrôleurs, ne change rien à l’affaire : nous aussi nous nous trouvons sous la coupe d’une idéologie totalitaire.

 C’est déjà énorme que tous fassent comme s’ils croyaient réellement aux économies, alors que c’est juste la corde avec laquelle nous pouvons nous pendre. En effet, quand la superstition fait que l’on croit à quelque chose contre toute attente, alors la confiance dans l’austerity (il faut le dire en anglais !) est assimilable à la foi que les croyants placent dans des stigmates et des miracles.

 Aujourd’hui, ce que Bruxelles et Francfort imposent aux pays du sud de l’Europe, c’est ce que le FMI et la Banque mondiale ont octroyé aux pays du tiers monde. Mais les concepts des monétaristes n’ont permis à aucun pays de s’épanouir, au contraire, ils ont créé des sociétés pourries, pauvres, et brutales.

 

La thérapie du sang et des larmes

N’importe quel enfant peut comprendre cela : un Etat n’est pas une famille. Une famille dans le besoin peut se serrer la ceinture et ainsi échapper à sa situation critique. Mais quand dans un Etat tout le monde se serre la ceinture, plus personne ne consomme, ce qui détruit la production, les ventes et les recettes d’impôts pour l’Etat. C’est ce qui s’est passé en Grèce, où le déficit n’a pas été réduit par la thérapie de sang et de larmes, mais au contraire s’est aggravé. Et en Italie, la même chose est en train de se passer.

 Le rite de l’austérité, auquel l’Allemagne et les bourses veulent nous convertir de force, équivaut au rituel de flagellation des processions du Moyen-Âge, avec pour différence, que les flagellants sont peut être réellement montés au paradis (personne ne peut prouver le contraire), pendant que nous en Italie ne pouvons que rêver d’une reprise de l’économie, notamment, parce que le premier ministre Mario Monti en tant qu’ancien manager de Goldman-Sachs est un chantre de l’idéologie d’austérité.

Le plus terrible, c’est que beaucoup à gauche sont tombés sous l’emprise de ces superstitions. Terrible, non parce qu’un jour ils vont se réveiller douloureusement de leurs rêves, mais parce que leurs rêves nous réservent de telles douleurs.

 

Tribune parue dans le taz du 12/12/12, sous le titre "Leider kein Weltkrieg" : http://www.taz.de/!107222/

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