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Vu d'Allemagne
10 janvier 2013

"Enfreindre le droit du travail, un moyen de diminuer les coûts", la réalité de l'emploi outre-Rhin

Un juriste spécialiste du droit du travail, à propos des contrats de travail.

« Tout le monde sait que c'est illégal »

Selon le juriste Peter Schüren, de plus en plus de contrats de travail seraient illégaux. Il préconise la mise en place d'amendes et la saisie des profits pour y mettre un terme. Interview : Eva Völpel.

Peter Schüren, 59 ans, est professeur de droit civil et de droit du travail à l'université de Münster. Il est également le directeur de l'institut pour le droit économique, social et le droit du travail.

 

Taz : M Schüren, selon vous, il y a de plus en plus de contrats de travaux illégaux. D'où vient ce constat ?

Peter Schüren : On me rapporte de plus en plus de cas. Par exemple, les heures supplémentaires sont bénévoles et ne sont pas payées. Ou alors il n'y a de salaire, que si un minimum de chiffre d'affaire hebdomadaire est atteint. J'ai aussi vu des jobs de femmes de ménage dans les hôtels payés 4 euros de l'heure, selon un pseudo accord.

 

Taz : Où cela se produit-il le plus couramment ?

PS : Le plus souvent on observe cela là où il n'y a par de tarif obligatoire ou de conseil d'entreprise, également dans les entreprises de service.

 

Taz : Les employés ne connaissent-ils pas leurs droits ?

PS : Si, je pense que tout le monde sait que c'est illégal. Mais les employeurs savent, que presque personne ne résiste. Si quelqu'un porte plainte, un arrangement est trouvé au tribunal, l'employé reçoit son argent et le travail est fait par d'autres.

 

Taz : A quelles conséquences s'attendent les employeurs ?

PS : Ils sont très rarement poursuivis pour détournement des cotisations sociales. Mais normalement il ne se passe rien. Enfreindre la loi est devenu un moyen de diminuer les coûts.

 

Taz : Vous revendiquez d'aller à l'encontre de ces pratiques avec détermination. Que proposez-vous ?

Selon mon expérience, la dissuasion fonctionne. Nous avons besoin d'une amende particulière contre l'utilisation de conditions de travail illégales dans le but de diminuer les coûts. Ainsi, nous pourrons coller une bonne amende à ceux qui arnaquent leurs travailleurs, et leur enlever tout le bénéfice illégal. Quelqu'un qui se traîne une amende de 250 000 euros et une perte de bénéfice de 5 millions d'euros, s'abstient vraisemblablement de passer des accords biaisés ou de faire faire des heures supplémentaires impayées.

 

Taz : En 2010, le tribunal fédéral du travail a statué que le syndicat de travail temporaire CGZP, qui avait en partie conclut les salaires horaires inférieurs à 5 euros, n'était pas capable de fixer des tarifs. De quoi en est-il aujourd'hui avec les syndicats, qui négocient dans le sens des entrepreneurs ?

PS : Il y a encore des tarifs à bas prix à cause de syndicats douteux. Par exemple, l'accord tarifaire entre le syndicat chrétien DHV et l'association des employeurs de services et logistique prévoit un salaire horaire de 6 euros environ. Ce sont les mêmes personnes qui ont signé l'accord sur les tarifs pour DHV, et qui ont décidé de la politique de dumping salarial pour le travail temporaire. Il est grand temps qu'un Land ou que le ministère fédéral du travail fasse contrôler la capacité de DHV à passer des accords tarifaires par un tribunal. Cette possibilité est toujours offerte, mais elle n'est que trop rarement utilisée...


Taz : En 2008, elle l'a été par la sénatrice du travail de Berlin Heidi Knake-Werner (tendance de gauche), qui a entamé la procédure contre le syndicat du travail temporaire CGZP

PS : Certes, mais c'est également la seule initiative de ce type depuis les années 50.

 

Taz : Le dumping salarial fonctionne également avec l'aide des contrats d'entreprise. Les syndicats et certaines juristes du droit du travail exigent, de les réguler plus strictement. Grâce à une liste de critères, les bons contrats d'entreprise pourront être séparés des mauvais. Est-ce un apport ?

PS : Je crains, que cela ne soit que de la poudre aux yeux législative. On ne parle pas ici d'ordonnancement légal, mais de conditions de travail. Nous avons besoin, par exemple, d'un salaire minimum régi par la loi pour tous ceux, qui travaillent en Allemagne. Nous devons empêcher, que les contrats d'entreprise d'apparence restent sans effets dans la pratique.


Taz : Qu'entendez-vous par des contrats d'entreprise d'apparence ?

PS : Souvent un entrepreneur A, qui conclut des contrats d'entreprise, a également une autorisation de l'agence fédérale pour le travail pour recourir au travail temporaire. On en a besoin pour employer des salariés. Mais l'entrepreneur A peut « louer » des salariés sous couvert d'un contrat d'entreprise, car il veut contourner les dispositions strictes encadrant le travail temporaire, et ils sont alors en réalité des salariés, et ça marche, l'autorisation de travail temporaire est alors son gilet de sauvetage. [...]



Article paru dans le taz.de, le 30/12/2012, disponible ici : http://www.taz.de/Arbeitsrechtler-ueber-Arbeitsvertraege/!108161/

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